chat robot

D’où vient ce lien si particulier entre les écrivains de science-fiction et les chats, que ce soit en tant qu’inspiration, compagnons de travail ou même personnages dans leurs histoires ?

Comme dans le roman “Space-Time for Springers” (L’espace-temps est aux félins) de Fritz Leiber , qui explore par une machine l’histoire des chats à travers les âges, je vous propose un voyage dans la vie féline des grands auteurs de SF.

Une source d'inspiration inépuisable

Au Moyen-âge, le chat a été associé à la sorcellerie et a été longtemps persécuté. Son indépendance, sa féminité, son comportement nocturne et mystérieux, ses crises de folie passagères et sa proximité avec les humains ont joué contre lui à l’époque où l’on brulait des sorcières. Des documents historiques rapportent même qu’il y a eu des tribunaux pour les juger spécifiquement! A l’extrême opposé, dans l’Egypte antique les chats étaient adorés et divinisés à travers la déesse Bastet et aujourd’hui ils sont devenus des stars grâce à la puissance des réseaux sociaux (cf le phénomène autour de Grumpy cat).
À travers les âges, le chat a donc inspiré aux sociétés humaines tout et son contraire. Et malgré cette omniprésence féline dans l’Histoire, il reste encore un mystère. Comme écrivait Rilke : “Qui connait les chats? – Se peut-il par exemple que vous prétendiez les connaitre?”
À l’heure où les droits des animaux deviennent un sujet de société important, le chat est un précurseur car il est bien le seul dans le règne animal à avoir déjà été considéré comme une personne à part entière. Son histoire tumultueuse, sa liberté et sa flexibilité dans les différentes époques et cultures en ont fait une éternelle muse et un acolyte privilégié pour de nombreux artistes et écrivains.

Ainsi certains auteurs de science-fiction ont exprimé leur amour pour les chats, considérant qu’ils sont des compagnons de travail parfaits en raison de leur capacité à être à la fois indépendants, calmes et câlins.
Par exemple, l’auteur de science-fiction Robert A. Heinlein avait un chat nommé Pixel qui dormait souvent sur son bureau pendant qu’il écrivait. Il l’a inclus dans plusieurs de ses romans comme Le chat passe-muraille et Au-delà du crépuscule.

Aussi Philip K. Dick avait plusieurs chats et en parlait souvent dans ses correspondances.
Ainsi dans une lettre à l’écrivaine Ursula K. Le Guin, l’auteur de Blade Runner écrit : “Mes chats sont intelligents et sensibles, et je suis certain qu’ils pensent, ressentent et se souviennent. Ils sont fascinants à observer”.

Pour lui, ces amis félins étaient plus que de simples animaux de compagnie ; ils semblent avoir jouer un rôle déterminant non seulement sur son état affectif et de l’expérience d’auteur de Dick, mais aussi sur sa philosophie ontologique. Par exemple il était persuadé que son chat Pinky était la réincarnation de son éditeur Tony Boucher mort d’un cancer… Puis lors du décès prématuré de Pinky, K. Dick a ressenti une série de phénomènes extra-sensoriels. Pour en savoir plus sur cette expérience, lisez son journal L’Exégèse de Philip K. Dick.

Hélas il n’a pas écrit d’histoires centrées sur les chats, mais certains de ses personnages les évoquent souvent. Par exemple, dans “Le dieu venu du Centaure”, le personnage de Anne raconte une longue blague sur un chat qui vole un steak.

Philip K. Dick et son chat

Citations de Robert A. Heinlein sur les chats

“Les femmes et les chattes font ce qu’elles veulent,
et les hommes et les chiens devraient se faire à cette idée.”

“J’ai passé une trop grande partie de ma vie à ouvrir des portes aux chats. J’ai calculé un jour que, depuis l’aube de la civilisation, neuf cent soixante-dix-huit siècles d’hommes ont été utilisés de cette façon. Je pourrais vous montrer les chiffres.” – Une porte sur l’été

Robert Heinlein et son chat Pixel
Robert Heinlein et son chat roux Pixel

Première adaptation cinéma en 2020 d’Une porte sur l’été

Au cinéma dans “La Guerre des étoiles”, le personnage de Chewbacca est en grande partie inspiré des chats, avec son pelage épais et son langage vocalisé. De même Carlo Rambaldi, le designer d’E.T. a reconnu s’être inspiré de son chat persan pour concevoir le visage aplati et les grands yeux du célèbre extra-terrestre.

D’autres écrivains de science-fiction ont choisi d’explorer des concepts liés à la biologie féline dans leurs œuvres. Par exemple, dans “L’Évolution de l’espèce” de H.G. Wells, les chats sont utilisés pour représenter une espèce qui a évolué vers la perfection, tandis qu’à l’opposé dans la satire politique chinoise “La Cité des chats” (猫城记) écrit en 1933, Lao She décrit des homme-chats tellement veules et fourbes qu’ils contribuent d’eux même à l’extinction de leur espèce.
Plus récemment en France et toujours sur le thème de l’évolution des espèces, Bernard Werber (Les fourmis) a sorti le roman d’anticipation Demain les chats qui y décrit le déclin de l’espèce humaine au profit des rats et des chats. Ces derniers s’allient aux quelques humains survivants pour affronter des hordes de rats dans Paris.

L'écrivain de science-fiction Ray Bradbury et son chat noir

L’auteur des Chroniques martiennes et Fahrenheit 451 explique son lien entre la création et les chats : 

« Voici le grand secret de la créativité. Vous traitez les idées comme des chats : vous devez les attirer pour qu’elles arrivent. Si vous essayez d’approcher un chat et de l’attraper, mince alors, il ne se laissera pas faire. Vous devez alors lui dire : “Eh bien, va au diable.” Et là le chat se dit : “Attends une minute. Il ne se comporte pas comme la plupart des humains.” Puis le chat vous suit par curiosité : “Eh bien, qu’est-ce qui ne va pas chez vous pour que vous ne m’aimiez pas ?”.  – Ray Bradbury, Zen in the Art of Writing

Les chats symboliques et mystiques

Les chats ont également été utilisés dans des histoires de science-fiction plus gothiques en tant que personnages clés ou comme symboles. Par exemple, dans “Le Chat noir” d’Edgar Allan Poe, le chat, personnage central de l’histoire, représente la culpabilité et la folie.

H.P. Lovecraft avait également une grande affection pour les matous et encore plus pour la race des abyssins. Il les mentionne souvent dans ses histoires comme dans La Quête onirique de Kadath l’inconnue où ils sauvent le héros sur la face cachée de la lune.
Mais aussi la courte nouvelle Les Chats d’Ulthar est un hommage à ses félins bien-aimés. Dans ses histoires, Lovecraft a également souvent utilisé des chats pour créer une atmosphère de mystère et de surnaturel, en les présentant parfois comme des gardiens de secrets ou des êtres dotés de pouvoirs mystiques.

“On dit qu’à Ulthar, qui se trouve au-delà du fleuve Skaï, nul ne peut tuer un chat; et, en vérité, je veux bien le croire, comme j’observe celui qui est couché là, ronronnant devant le feu. Le chat est un animal mystérieux, et proche des choses étranges que les hommes ne peuvent voir. Il est l’âme de l’antique Égypte et le détenteur des récits venus des cités perdues de Méroé et d’Ophir. Il est de la race des seigneurs de la jungle et l’héritier des secrets de la très ancienne et inquiétante Afrique. Le Sphinx est son cousin, et il parle la même langue ; mais le chat est plus ancien que le Sphinx, et il se souvient de ce que celui-ci a oublié.” – Les Chats d’Ulthar, 1920 H.P. Lovecraft

chat mutant bouclé brun
Chat "mutant" Selkirk Rex
H.P. Lovecraft et son chat
Lovecraft et son chat

“Mais qui a prétendu être le maitre de son chat? On ne possède pas un chat, on «l’entretient». Le chat est l’agrément du foyer où il réside comme l’hôte et l’égal du propriétaire des lieux parce que tel est son bon plaisir.

Il n’y a rien de flatteur à être bêtement idolâtré par un chien dont l’instinct le pousse à l’idolâtrie, mais c’est un tout autre honneur que d’avoir été choisi comme ami et comme confident par un félin philosophe qui est son propre maître et pourrait aisément se choisir un autre compagnon s’il en trouvait un plus agréable et plus intéressant. À mon sens, l’un des indices de la dignité supérieure du chat réside dans la manière dont l’usage veut qu’on utilise les termes « chat » et «chien» pour qualifier tel ou tel comportement ou attitude.”

Lovecraft, Chiens et Chats.

Pour finir en citant un auteur plus contemporain très félinophile qui me tient à coeur, Stephen King qui a souvent placer le chat au coeur de plusieurs de ses romans et nouvelles. On pense bien sur à Church, le chartreux ramené à la vie par une pratique mystique dans “Simetierre”.

Mais la suite de “Shining”, “Doctor Sleep” m’a semblé être son plus belle hommage aux chats, à leurs aptitudes spirituelles et leurs attitudes mystérieuses. Azraël, le chat de l’hospice où travaille Dan a la capacité spéciale de dire quand quelqu’un était sur le point de mourir. Il informe alors Dan qui vient réconforter le malade dans ses derniers instants.

Extrait avec le chat de l'adaption ciné de Doctor Sleep

Autres auteurs de SF qui ont également exprimé leur affection pour les chats :

  • Isaac Asimov avait un chat nommé “Poky” et a écrit plusieurs histoires avec des chats comme la nouvelle Chrono-minets sur des chats quadridimensionnels.

  • Ray Bradbury était un grand amoureux des chats et a souvent écrit sur leur beauté et leur grâce. Dans une interview, il a déclaré : “J’ai mon chat préféré, qui est mon presse-papier, sur mon bureau pendant que j’écris”.

  • Neil Gaiman aime également la compagnie des mistigris et a écrit sur eux dans plusieurs de ses histoires, notamment dans “Coraline” et “The Sandman”.

  • Ursula K. Le Guin a écrit “Les chats volants”. Elle a également écrit un poème sur son chat nommé Pard intitulé “Doggerel for a Cat”.

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Jacques Julien

Photographe basé à Paris spécialisé dans la photo d'art noir et blanc, la photo animalière, l'architecture, les portraits.